Le boom de l’enseignement privé en Suède, un cas d’école

Quel enfant n’en rêverait pas ? A l’Internationella Engelska Skolan (IES), dans la commune d’Upplands Väsby, une banlieue-dortoir de cinquante mille habitants au nord de Stockholm, les six cents élèves, âgés de 6 à 16 ans, sont répartis dans quatre maisons, comme dans la saga Harry Potter. Chacune porte le nom d’un dieu nordique – Odin, Freya, Thor et Idunn –, en hommage au village viking voisin. L’école, un bâtiment circulaire, bordé d’un gazon artificiel, est hébergée dans d’anciens locaux administratifs de la chocolaterie attenante, où sont fabriquées les tablettes de Marabou, le chocolat favori des Suédois. A l’intérieur, les murs ont été repeints dans des teintes pastel et les bureaux transformés en salles de classe.

Dans une vitrine à l’entrée, parmi des trophées remportés par les élèves, trône le livre de Barbara Bergström, Tough Love (« L’amour vache », non traduit, Ekerlids, 2018). Dans ce manifeste à la gloire de l’enseignement privé, la fondatrice de l’école, âgée de 77 ans, raconte comment, en trente ans, elle est parvenue à bâtir un empire, en devenant propriétaire de quarante-six établissements en Suède. Des écoles primaires et des collèges qui lui ont rapporté plus de 85 millions d’euros depuis 1993.

Tailleurs gris et petites lunettes, Anna Kuylenstierna s’excuse : venue du public, la directrice de l’IES d’Upplands Väsby a pris ses fonctions en août et n’a lu que quelques pages de l’essai de Barbara Bergström. Mais elle en résume le message : « Je pense que c’est un mélange de structure et de tendresse. »

Dans un couloir, des élèves attendent en file indienne avant d’entrer en classe au signal du professeur. Ici, les enfants n’appellent pas les enseignants par leur prénom, comme ailleurs en Suède, mais par leur nom de famille, précédé de « Mrs » ou « Mister ». Car une bonne partie des cours sont en anglais. « C’est ce qui attire aussi les parents », assure la directrice, qui évoque par ailleurs les excellents résultats de l’établissement : 97 % des élèves de troisième avaient des notes suffisamment bonnes pour être admissibles au lycée l’an dernier (contre 85 % pour la moyenne nationale). Mais l’installation de l’IES à Upplands Väsby, où désormais 55 % des écoliers et collégiens sont inscrits dans le privé, n’a pas fait que des heureux.

Esprit de compétition

Pour comprendre les polémiques qui entourent le système scolaire suédois, il faut se rappeler qu’au début des années 1990, à peine 1 % des enfants fréquentaient un établissement privé. Trente ans plus tard, 16 % des élèves du CP à la troisième et 30 % des lycéens sont scolarisés dans une friskola (une « école libre »). En France, l’enseignement privé sous contrat regroupait, en 2022, 17,6 % des effectifs scolarisés, selon la Cour des comptes.

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