à Gaza, l’hôpital Al-Shifa toujours visé par des opérations israéliennes, la pression internationale s’accentue sur l’Etat hébreu

L’armée israélienne poursuivait, jeudi 16 novembre, son opération dans le principal hôpital de la bande de Gaza ; elle suscite de vives inquiétudes et de nombreuses critiques à l’international, notamment sur le sort des patients et des milliers de civils pris au piège.

Sortant du silence pour la première fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a appelé à des « pauses et à des couloirs humanitaires » dans l’enclave.

L’armée israélienne accuse le Hamas d’utiliser l’hôpital Al-Shifa comme une base militaire, le site représentant un objectif majeur dans la guerre de l’Etat hébreu contre le mouvement islamiste, qui contrôle la bande de Gaza. Elle a lancé son opération, tôt mercredi, investissant l’infrastructure hospitalière avant d’en retirer ses soldats et ses chars. Un journaliste collaborant avec l’Agence France-Presse (AFP) avait ainsi pu voir les troupes israéliennes se repositionner autour de l’établissement de santé en fin d’après-midi.

Mais, dans la nuit de mercredi à jeudi, l’armée israélienne a annoncé mener à nouveau une opération à l’hôpital Al-Shifa. « Ce soir, nous menons une opération ciblée dans l’hôpital Al-Shifa. Nous continuons d’aller de l’avant », a déclaré le major général Yaron Finkelman, chargé d’opérations dans la bande de Gaza, sur la chaîne Telegram de Tsahal.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Tir d’obus à l’hôpital Al-Shifa à Gaza : les images pointent la responsabilité des Israéliens

Le ministère de la santé de l’administration du Hamas faisait pour sa part état de la présence de bulldozers israéliens sur ce complexe hospitalier où se trouvent, selon l’ONU, environ 2 300 personnes, dont des patients, des soignants mais aussi des déplacés. « Des bulldozers ont détruit certaines parties de l’entrée sud » de l’hôpital, a annoncé le ministère dans un bref communiqué en arabe.

Tôt mercredi, des dizaines de soldats israéliens, certains encagoulés, avaient fait irruption dans l’hôpital, selon le journaliste collaborant avec l’AFP sur place. « Tous les hommes de 16 ans et plus, levez les mains en l’air et sortez des bâtiments vers la cour intérieure pour vous rendre », ont-ils crié en arabe.

Washington n’a pas « donné de feu vert » à ces opérations

Mercredi soir, l’armée israélienne a affirmé avoir trouvé « des munitions et des équipements militaires » du Hamas dans cet hôpital. Elle a publié des images de ce qu’elle affirme être des armes, des grenades et d’autres équipements découverts à Al-Shifa. L’AFP n’a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante ces affirmations.

L’armée israélienne « n’a trouvé ni armes ni équipements » militaires dans l’hôpital Al-Shifa, a rétorqué le ministère de la santé du Hamas, qui assure « ne pas en autoriser » la présence dans ses établissements.

Le Monde Application

La Matinale du Monde

Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer

Télécharger l’application

Le raid sur l’hôpital Al-Shifa a suscité, mercredi, des condamnations à l’international et des appels pressants pour protéger les civils palestiniens.

Lire aussi : Ce que l’on sait de la situation des hôpitaux à Gaza

Le président américain, Joe Biden, a appelé mercredi Israël à être « extrêmement prudent ».

Les Etats-Unis n’ont pas « donné de feu vert aux opérations de l’Etat hébreu autour de l’hôpital Al-Shifa », a affirmé le porte-parole du Conseil américain de sécurité nationale, John Kirby. « Nous avons toujours été très clairs avec nos partenaires israéliens sur l’importance de minimiser les pertes civiles », a-t-il ajouté.

La veille, il avait corroboré les affirmations de l’allié israélien quant à une utilisation des hôpitaux de la bande de Gaza à des fins militaires, dont Al-Shifa, des déclarations qualifiées par le Hamas de « feu vert » à Israël pour « commettre de nouveaux massacres ».

La France fait part de « sa très vive préoccupation »

Le président français, Emmanuel Macron, a pour sa part condamné « avec la plus grande fermeté » les bombardements d’infrastructures civiles. Peu avant, le Quai d’Orsay avait fait part de « sa très vive préoccupation », estimant que la population palestinienne n’avait « pas à payer pour les crimes du Hamas ».

De son côté, le Qatar, un médiateur-clé pour les négociations sur la libération des otages encore aux mains du Hamas, a réclamé « une enquête internationale » sur les raids israéliens dans les hôpitaux de Gaza, qualifiant l’opération à Al-Shifa de « crime de guerre ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le crime de guerre, ou la difficulté d’encadrer les conflits armés

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a qualifié, mercredi, Israël d’« Etat terroriste », dénonçant le coût en vie humaine des bombardements de la bande de Gaza.

A Al-Shifa, mercredi, des soldats ont aussi fouillé des femmes et des enfants en pleurs, d’après le journaliste sur place. Dans les couloirs de l’hôpital, ils ont parfois tiré en l’air en allant de pièce en pièce. Israël a dit avoir envoyé « des équipes médicales parlant arabe et entraînées », afin « qu’aucun tort ne soit causé aux civils utilisés par le Hamas comme boucliers humains ». « Lorsque les soldats sont entrés dans le complexe hospitalier, ils ont affronté un certain nombre de terroristes et les ont tués », affirme l’armée.

Selon son porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, des civils ont été évacués de l’établissement mais « il y a encore beaucoup de gens à l’intérieur ».

La guerre a été déclenchée par l’attaque du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, sans précédent depuis la création d’Israël. Environ 1 200 personnes ont été tuées, essentiellement des civils massacrés ce jour-là, selon les autorités. En représailles, Israël a juré d’« anéantir » le Hamas, organisation classée « terroriste » par les Etats-Unis et l’Union européenne, pilonnant sans relâche la bande de Gaza, soumise à un siège total.

Les bombardements israéliens ont fait 11 500 morts, majoritairement des civils, parmi lesquels 4 710 enfants, selon le gouvernement du Hamas.

Depuis le 5 novembre, environ 200 000 Palestiniens, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), ont fui le nord de la bande de Gaza, transformé en champ de ruines, après l’ouverture par Israël de « couloirs » d’évacuation. D’après l’OCHA, 1,65 million des 2,4 millions d’habitants du territoire ont été déplacés par la guerre.

Le Monde avec AFP